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abacaxi @ downbeat (us)

Two of the festival’s stand-out sets artfully balanced control and blissful abandon. Late on Thursday night at the Nexus stage, the remarkable new power trio Abacaxi—“pineapple” in Portuguese—summoned an exhilarating fresh sound, geared around maverick guitarist Julien Desprez. Elements of abstraction, snarly noise and prog mixed with the guitarist’s gymnastic, dance-like maneuvers on an array of floor pedals, including stage lighting controls. Premiering at last year’s JazzFest Berlin and a highlight at May’s FIMAV festival in Quebec, Abacaxi is one of the more exciting, genre-blurring and multisensory new ensembles around.

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reviewSeb Brunabacaxi, usa
abacaxi @ les inrocks (fr)

Terminons avec le concert particulièrement intense du trio ABACAXI, qui réunit le guitariste Julien Desprez, le bassiste Jean-François Riffaud et le batteur Max Andrzejewski. Propulsant une musique tendue et épurée, nerveuse et frondeuse, dans le sillage cinglant de la no wave ou du post-hardcore à la Shellac, ils balafrent l’air de stridences électriques dont l’impact sur le public est encore accru par des rafales régulières de lumières stroboscopiques. Un total coup de foudre.

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reviewSeb Brunabacaxi, france
société étrange | au revoir @ le bombardier

“Au Revoir Président”. Mis en lumière par le label S.K Records à l’occasion de la sortie de son premier EP Au Revoir en 2015, Société Étrange ne cesse depuis de conquérir les foules avec des sets improvisés mêlant kraut, dub et électronique. Exit les refrains entêtants et les petites mélodies, les Lyonnais dégainent leurs instruments pour atteindre un niveau d’intensité rare, une sorte de transe jubilatoire au service du corps et du cerveau. Alors, quand on demande au trio de nous envoyer une mixtape, c’est sans surprise qu’on se sent quelque peu déboussollés. Pas seulement parce qu’il manque la tracklist, mais aussi parce qu’Alan Vega, Christophe et Gérard Manset côtoient des projets qui pourraient faire convulser plus d’un digger averti. Le résultat se nomme “Bonne humeur pour toute la journée” et s’écoute ci-dessous :

abacaxi @ musicworks (ca)

No festival could be more appropriate for the North American debut of French guitarist Julien Desprez, here with his trio Abacaxi. Desprez plays guitar and pedals with the unimaginable precision of a robot from the future, hand jumping from headstock to bridge, picking strings and punching the body and fingerboard, all of it in lock-time with a literal dance on a pedal board that not only mutates and distinguishes every nanosecond of sound but controls a light show from black-out to incendiary flare, all of this resulting in a music that simultaneously invokes Hendrix, Webern, and video games. He’s the most dramatic figure to emerge in improvised music in decades.

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abacaxi @ exclaim (ca)

French guitarist Julien Desprez's technique might require the coining of a new musical field — pedal dancer — a field wherein he immediately would ascend to the championship. His trio is filled out by only slightly less pedal-enhanced bassist Jean-Francoiçois Riffaud, and German drummer, with the heaviest bass drum foot in the festival, Max Andrzejewski.

With a pedal array stretched across half the stage, and requiring two discrete quarter-inch inputs for his guitar, Desprez is unlike many tech-addicted musicians who collect pedals like vintage Star Wars figures; he is unafraid to play them all, with tap dancing delight.

He and Riffaud swapped and sorted noises and brief noisy riffs with the energy and precision of speed-addled Amazon employees, while Andrzejewski hammered out the packaging with death metal heaviness applied to jazz-influenced techniques.

The non-musical element came in the form of pedal- and sound-triggered stage lights that, at times, further enhanced the epileptic dangers of the performance. The slight limitations in the presentation came from how the applied technology was used for a "trick" dominated approach, with moments starting to repeat themselves before long into the show.

But for sheer intensity and will to rock cybernetically, not to mention pedal dancing prowess, Desprez and company are a tough team to beat.

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hippie diktat | gran sasso @ can this even be called music

France’s doom-jazz trio Hippie Diktat already made an impression on me with their previous album, Black Peplum, but it’s with Gran Sasso that I introduce them to you here. Not unlike bands such as Mombu and Mosca violenta, which collaborated on the amazing album Hunting Demons, Hippie Diktat’s music is slow, heavy, and atmospheric. Call it post-metal or instrumental doom, or yet again doom jazz—they all convey part of the message—Gran Sasso is a work quite similar to Ex Eye, featuring Colin Stetson, albeit much slower and oppressive.

DÆV TREMBLAY

hippie diktat | gran sasso @ indie rock mag

Troisième album du groupe, Gran Sasso ramasse toute l’exubérance du trio dans deux longs tunnels contemplatifs où la noirceur et l’angoisse se partagent l’espace. Après un Black Peplum qui avait réduit l’expression de leur post-jazz core à 4 titres denses et labyrinthiques, ce nouvel album déroule ses ambiances dans un langage plus resserré pour mieux faire progresser l’auditeur dans un brouillard de plus en plus épais et explosif. Par ces deux faces monochromes, Hippie Diktat rappelle non seulement le drone metal d’un Sunn O))), mais aussi les voyages vibrants et agités de Godspeed You ! Black Emperor.

La volonté de faire masse, comme cet abrupt monticule rocheux qui orne la pochette, est au cœur de ce disque. Pour produire cet effet de bloc de granit, les instruments s’interpénètrent, se confondent, se fondent les uns dans les autres. Le grain du saxophone, texturé par les effets, rend ou le son lourd et éraillé d’une basse électrique distordue, ou, comme sur le « solo » de la face A, qui émerge à la 10e minute, le grincement strident d’un violoncelle. Il se prolonge avec le drone d’une guitare jouée à l’archet. La batterie, sans interruption, bat le rythme binaire et nécessaire d’un cœur essoufflé. On passe de l’état méditatif et inquiet de la première moitié du titre à un marathon asthmatique, en passant par le réveil brutal qui suit un cauchemar terrible. Hippie Diktat, c’est un train obstiné sur une montagne russe sonore qui te prend et ne te lâche qu’après t’avoir fait passer à la moulinette de ses troubles obsessifs.

société étrange | au revoir @ gonzaï

Le 13 novembre 2015, Salah Abdeslam et une poignée de terroristes faisaient entrer l’un des arrondissements les plus pauvres de Bruxelles dans les livres d’histoire. Trois ans plus tard, même endroit, c’est un autre groupe qui s’y produit, mais avec des intentions bien plus pacifistes. Son nom : Société Etrange. Sa mission : convertir les « incroyants » fans de soupes populaires à une musique de transe, nettement plus fédératrice.

« Drôle d’endroit pour une rencontre ». Le papier aurait pu s’appeler comme ça, et on en serait venu à la même conclusion qu’on n’a pas ressenti de telles vibrations depuis bien longtemps – peut-être depuis l’apparition du groupe FRANCE, spécialisé en mantra drones donnant simultanément envie de vomir et régurgiter son repas dans un sourire. Ca se passe un vendredi soir à Bruxelles, il est 23H00 passé dans l’une des communes connue comme l’une des plus pauvres de Belgique, à Molenbeek – du moins c’est ce que tous les médias racontent. Un vigile filtre les entrées à l’intérieur d’une rue déserte, ça caille putain. De l’autre côté de la barrière, une armée de bonnets délavés fume une clope dans ce qui se ressemble à une salle polyvalente du 21ième siècle où de jeunes gens avec des fringues disparates dansent sans se dévisager; c’est, en bref, tout l’inverse d’un concert de rock blanc-bourgeois. Il y a là 150 têtes réunies pour une envie indéfinissable de regroupement, loin des codes et du centre-ville – pourtant pas loin, un kilomètre à peine. Ce n’est pas non plus le désir malsain de s’enjailler dans « le fief de Salah Abdeslam », c’est autre chose et ça s’appelle peut-être tout simplement l’underground – ou ce qu’il en reste. L’underground, parlons-en. Le trio qui m’a fait venir jusqu’ici – en Uber, hein – se nomme Société Etrange. Il est l’invité des soirées belges Actionnaires. De l’autre côté de la frontière, même heure ou presque, des Gilets Jaunes s’apprêtent à saccager les Champs Elysées. Chacun sa révolution.

Celle de ce trio lyonnais a débuté en 2015 avec un premier EP chez SK Records et depuis, il n’arrête pas de ne pas faire parler de lui. Remarquez que ça se posait là, ledit EP se nomme « Au revoir ». Trois ans après, on les retrouve là, muets comme des Lyonnais – le lyonnais est assez inexpressif de nature – en train de vite fait balancer. Sur leur Soundcloud, plein de tracks passionnantes jamais publiées ailleurs, on ressent la même intensité que face à un sourd fan de CAN tapotant sur des tambourins. D’ailleurs le batteur jouera plus tard comme une émulation 2018 de Jaki Liebezeit sur une batterie réduite au minimum d’éléments, et la foule aimera ça. Pour l’heure, je fais le tour du propriétaire avec Pierre. Nous sommes à La Vallée, un lieu polymorphe ouvert où se croisent créateurs, musiciens et entreprises privées dans une espèce de Factory gigantesque de 6000 m2 sans les artifices pour startuppers insupportables. Le lieu a ouvert voilà 3 ans sous l’impulsion de Pierre. Pierre, c’est un ancien teuffeur. Un ancien résident du Maxim’s, à Paris et son objectif ici, avec ce lieu à mi-chemin entre le squat et l’open space warholien, c’est de réconcilier les communautés, faire changer le regard des passants sur son Molenbeek, connu et raillé jusque dans les coins les plus reculés de France, là où on l’on confond encore barbus et djihadistes. Voilà 48 heures, il serrait la main à Macron, de passage dans le lieu sur invitation du Roi de Belgique. Ce dernier voulait montrer à notre cher Président à quel point Molenbeek était en mutation grâce aux 150 artistes et entrepreneurs réunis dans un lieu qui n’existe toujours pas à Paris. Résultat de recherche d'images pour "macron la vallée bruxelles" Le fameux Pierre serrant la main de Macron. A droite, le roi de Belgique. « Que le Président Macron ait cette image positive, c’est important. Mais il faut aussi que cette image se diffuse : que les populations et que tout le monde se rende compte que Molenbeek est positif, c’est ça qui est important » confiera Pierre Pevet à France Inter. Quarante-huit heures plus tard, à moins de dix mètres de cette cérémonie officielle en costumes, un groupe d’anars portés par le son continu s’apprête à délivrer sa dose de kraut-dub à une audience qui n’a peut-être jamais voté de sa vie. La scène est surréaliste, l’endroit idéal, le moment, parfait. Ledit Pierre, bonnet vissé sur la tête, m’offre une bière à 2,50 € sans trop savoir qui s’apprête à monter sur scène. La Belgique, dans toute sa splendeur. Ce groupe là, c’est tout l’inverse de la Société Générale. Déjà, sa musique c’est à peu près tout sauf Jérôme Kerviel. Un condensé, effectivement, de krautrock et de dub atmosphérique, au sens où la basse joue une place aussi importante qu’un tronc de séquoia posé dans un magasin de porcelaine. La foule entoure le groupe qui n’a pas dit un mot depuis 30 minutes. La musique parle pour lui. On croit un moment entendre Holger Czukay, à d’autres moments le collectif de La Novia ; mais contrairement à pas mal d’autres prétendants au trône d’héritiers du groove métronomique, ceux-là ne semblent prétendre à rien ; ils se contentent d’être là et distillent en moins d’une heure un poison lent qu’on appellera, faute de mieux, du funk mid-tempo de Bavière.

A la fin du concert, les trois membres sortent fumer des clopes, ils n’ont rien à vendre et se fondent dans la masse de jeunes rassemblés dans la cour de La Vallée, un lieu arty et ouvert à tous où personne n’appelle les flics passé minuit pour réunion bruyante dans la cour d’immeubles. Ici, ça semble être une soirée comme une autre, loin de tous les clichés sur la musique, l’immigration et la dernière vidéo virale consultée sur son smartphone. Une société pas si étrange que ça, finalement. Dommage que Salah Abdeslam n’ait jamais écouté “Tago Mago”.

might brank | ep#1 @ citizenjazz

On avait laissé Emmanuel Scarpa dans Invisible Worlds, qui ressemblait à un solo à plusieurs : un batteur seul avec une batterie d’invités. Might Brank, qui fait renouer Carton Records avec la musique improvisée, est davantage solitaire, mais tout aussi étrange ; Scarpa y sonde seul un univers dense, lascif, où chaque geste s’accompagne d’une aura faite de tintements de gongs et autres cymbales, chinoises ou non (« jelly-wasabi ») mais aussi de bribes de voix (« procession »). Il y a, dans l’iconographie bouddhiste de la pochette comme dans la quête de spiritualité où le minimalisme côtoie intimement l’immédiateté, un orientalisme qui se cherche. Ce sillon, qui mérite d’être profondément labouré par le batteur, ira-t-il plus loin que ce court EP#1 ? « Qui saura », répondrait Mike Brant, l’éponyme en yaourt de ce joli projet…

société étrange | au revoir @ hartzine

Alors que L’Humanist SK Festival bat son plein entre Lyon et Paris (Event FB), le label plus Lyonnais que Bocuse S.K Records vient de révéler le 21 septembre dernier l’un des secrets les mieux gardés de la capitale des Gones avec la parution du premier EP de La Société Étrange. A la base duo né d’une attirance commune surnaturelle entre Antoine Bellini et Romain Hervault, avec en toile de fond un amas d’instruments analogiques et des résonances de musiques industrielles, krautrock et early electronic, cette toute nouvelle formation, pour laquelle François Virot a enregistré et mixé Au Revoir conçu à quatre mains, s’est récemment étoffée d’un percussionniste en la personne de Jonathan Grandcollot. A l’écoute de leurs divagations aussi minimalistes qu’habitées, et dans les interstices desquelles il n’est pas rare de rencontrer un Genesis P-Orridge, un Chris Carter ou même un Holger Czukay, on se prend vite à croire en leur bonne étoile, ressuscitant sans en profaner l’essence ces nébuleuses virées instrumentales ayant fait danser les enfants de l’Occident sur les cendres encore fumantes de la guerre puis de la désindustrialisation. Au Revoir se déflore ci-après en intégralité quand bien même La Societé Etrange sera en concert le temps d’une mini-tournée avec Clara Clara et Deux boules Vanille du 1er au 3 octobre.

La Societé Etrange sera en concert le temps d’une mini-tournée avec Clara Clara – qui en profitera pour présenter son tout nouvel album – et Deux boules Vanille qui débute dès ce soir à Genève et qui se termine samedi à l’Espace B parisien. Si tu aimes les Lyonnais et que tu t’en carre de JMA, on t’offre deux places. Pour tenter ta chance, rien de plus simple : envoie tes nom, prénom et un mot d’amour à l’adresse hartzine.concours@gmail.com ou remplis le formulaire ci-dessous. Les gagnants seront prévenus la veille du concert.

société étrange | au revoir @ guts of darkness

Une de plus qui se termine, allez. 2015, à celle où j'écris ces mots, finit dans quelques heures. "Au Revoir", oui. Ne nous étendons pas… À ce moment précis, ce disque-là, sorti celle-ci, émane entre mes murs, avec les parfums de cuissons, les fragrances, les couleurs, la lumière – je baisse l’intensité de l'allogène, voilà ; je monte le son ; prêt à partir, bientôt, pour aller l’achever ailleurs, l'an. Je me souviens deux autres soirs, parmi ces trois cent-soixante cinq bientôt révolus. Ils y étaient, eux – La Société Étrange. Les deux fois, je crois, j’avais à peine parcouru le programme, les noms sur les flyers. La première des deux, j’en suis sûr, j’avais oublié que c’étaient ces trois là, sous celui-ci. À coup sûr, l’une et l’autre, ça m’a saisi. Le relâchement soudain, le sourire aux oreilles ; l’envie de crier, la deuxième, avec l’inconnue juchée sur le caisson de basses, qui roulait du corps à côté d’une autre au prénom pas commun : "La Sociétééééé". Elle faisait des signes curieux avec ses mains. Je crois que je roulais aussi… La Société Étrange – est-ce un pléonasme, ce nom, ou bien autre chose, ou bien un oxymore ? – fait rouler du boule. Les femmes belles, les hommes laids, inversement, toutes variantes et variables et transformations imaginables ; et puis dans-l'œil-qui-regarde, etc. ; on n’y vient pas tous avec la même chose dans le crâne, le ventre, le cornet, ce qu’on voudra ; on ne se lasse pas de se voir tous si diversement constitués, foutus, mis, mus. Dans ces endroits-ci, il y a des Gros, des Osseux, des Ivres et des Qui Tournent à L’Eau (bon… sans doute assez peu), toutes sortes d’allumés, un peu, d’autres qui viennent, peut-être, pour échapper un peu à l’extinction – des feux, tout court, d’un truc qui les regarde. C’est ouvert. Je me souviens d’un type, une des deux nuits, que je n’avais jamais vu là et plus jamais croisé, ensuite, qui avait l’air de trouver fou d’avoir envie de s’asseoir, juste en face d’un ampli, relaxé apparemment comme il ne savait pas qu’on peut. On avait dit "eh ben vas-y", en le laissant passer. On avait continué, nous-quelques-uns-toujours-collés-devant, à remuer, faire l’onde, en embrasser la courbure, les renflements, le remous. Cette basse pèse, ancre, en même temps – décidément – fait roulement. Épaisse et pointillée, ligne pulsée. Surface oscillante. Le batteur couvre ses toms mais joue debout. Il coure, d’un élément à l’autre. La battue soudain lévite. Les machines du troisième vrillent un espace, exsude son volume, sa résonance. Pour moi – et pas seulement pour ces circonstances où je l’ai découverte ; pas uniquement pour l’heure tombante où j’écris ces lignes – c’est une musique nocturne. Vaste, opaque mais parcourue de luisances, profondeur, dehors habité. Ce nom leur va bien : ils jouent les places d’une civilisation rêvée, pressentie, encore poursuivie, peut-être. Peuplées non pas de cohortes anesthésiées, venues là pour oublier ; mais quand ils s’y mettent, où ceux qui écoutent se trouvent dans ce moment-là, vraiment, l’attention stimulée. Le mouvement qui touche au corps, tout de suite et longuement, mais sans court-circuiter la tête, l’organe cérébral, où ça circule de plus belle. Une sorte d’état rare, calme vif, excitation lucide et sans soubresaut, sans peur des redescentes. Ces six plages – et les dérives et variations qu’ils donnent en direct, donc, en concert – tiendraient d’une sorte de dub, si l’on veut ; mais "versions", alors, dont les "originales" n’existeraient pas, seraient perdues, seraient le secret véritable ; les transformations, plutôt, jouées tout de suite, telles quelles, visées autant que réminiscences, idées prises à ce point-là d’elles-mêmes. D’autres, en parlant, évoquent les mutations des musiques industrielles… Pourquoi pas. Mais on se défera l’esprit, alors, de tout l’appareil théorique, du souci "d’anti-musique" ou autre explications. On pourrait très bien dire simplement "électro", allez, si l’on croit ce qui nous prend encore aux centres de gravité, même "techno", comme on le sent, puisque c’est fait pour ça, ces formes qui bougent. Ou bien – au hasard ; si c’est ce qu’on a dans l’oreille – calypso, steelband passée dans les circuits imprimés, avec même les criquets de la lagune, comme il m’amuse d’entendre, à cet instant, sur Première Valise. On inventera le nom adéquat. Ou bien on se contentera – au sens le plus plein, le plus réjoui du terme – de son absence permanente ou momentanée. Les machines sont des instruments comme les autres. C’est à dire des prolongements, des possibles incarnés dans des choses qui ne vivent que quand on les touche, quand on les met sous tension. Ceux de La Société Étrange ont trouvées celles là – basse et batterie, donc, et appareils à touches, potentiomètres, pads. Des organes de plus, des objets qu’ils se greffent. Ils en font des agencements, singuliers, familiers. C’est heureux qu’ils tournent beaucoup, par là ou plus loin. Je vous souhaite de les croiser. J’espère que ce disque vous en filera l’envie – et qu’après, avant, au bon moment, vous y prendrez ce plaisir du flottement pas engourdi, de l’emballement tranquille. Pour le moment, je vous laisse… Une autre fête m’attend, une autre compagnie. Le changement de chiffre, sur le cadran, ne sera guère plus que le prétexte. C’est une manière, encore, de toujours continuer.

hippie diktat @ citizen jazz

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, Hippie Diktat n’est pas le titre du dernier éditorial de Valeurs Actuelles au sujet des vélos en libre service ou de l’invasion de nos villes par les supérettes bio. Certes, on pourrait filer la métaphore en rapprochant la dureté acrimonieuse du saxophone baryton d’Antoine Viard, aperçu dans le quartet Pipeline, du ton bilieux de la guitare de Richard Comte avec les plumes de l’hebdomadaire, mais la comparaison s’arrêterait là ; il y a fort à parier que cette musique improvisée hérissée de métal ne sera jamais la bande-son des bouclages du magazine.

Sorti en coproduction entre le label Coax et les nouveaux venus de BeCoq Records, Black Peplum est le premier album d’un power trio qui a su se faire une place au cœur de cette scène en pleine effervescence, qui aime à marier la virulence du hardcore et l’immédiateté de l’improvisation. La sixième production de BeCoq confirme sa tendance à se situer au confluent des marges, là où se croisent le free, la noise et, donc, le hardcore, trois étiquettes que Hippie Diktat peut faire revendiquer. Une réputation précède le trio, ponctuée, voire assenée, dès « Black Peplum » par le batteur Julien Chamla, par ailleurs membre du quartet We are All Americans de Hasse Poulsen : celle d’un groupe cogneur et sans compromission. Elle se voit confirmer par la densité de l’album, où le baryton de Viard vient doubler la guitare sur la crête des cymbales.

Dans le maelström de « Deaf Can Dance », les hurlements de ce baryton peuvent faire songer à Eric Vagnon (Spoo), comme la sécheresse de la guitare trouve une proximité naturelle avec Kouma, autre trio du collectif Coax. Mais passée la décharge d’électricité, on découvre une certaine finesse derrière le mur de son, une masse extrêmement ouvragée malgré son aspect brut. C’est dans « Angoisse » que tout ceci se révèle, à mesure que l’impression de bruit blanc de la saturation se prolonge dans une sorte de continuum lancinant et mystérieux. Comme le paon aux centaines d’yeux qui orne sa pochette, Hippie Diktat sait transformer ses rodomontades agressives en parade colorée. Prenez garde tout de même aux coups de bec…

Franpi Barriaux

hippie diktat @ monsieur délire

HIPPIE DIKTAT / Black Peplum (BeCoq/Coax)

Ce disque est une collaboration entre deux jeunes étiquettes françaises qui me font flipper fort. Hippie Diktat est un power trio saxo baryton/guitare/batterie qui mélange skronk, rock psychédélique et doom. L’album est court (31 minutes) mais puissant à l’os et très convaincant. Ça me fait penser à Guapo, à Kruzenshtern i Parohod et à Seven That Spells, tout en même temps. Antoine Viard est monstrueux au saxo. Recommandé. 

This record is a collaboration between two young French labels that regularly get me all excited. Hippie Diktat is a power trio with baritone sax, guitar and drums. They blend skronk, psychedelic rock, and doom. Their album is short (31 minutes) but it packs a serious, convincing punch. I’m thinking of Guapo, Kruzenshtern i Parohod, and Seven That Spells all rolled into one. Antoine Viard is a monster on baritone sax. Recommended. 

hippie diktat @ pertes & fracas

Hippie Diktat

Black Peplum – CD

Coax records / BeCoq records 2014

Ah putain, comme ça a été dur pour m’en remettre. Mais alors là vraiment. Je ne parle pas de mes vacances d’été prolongées, sous le soleil caniculaire du Jura – et donc de mon absence totale de volonté pour reprendre l’écriture de chroniques de disques que personne ne lit – mais de ce concert, il y a un peu plus d’une année, où je découvrais enfin ce groupe précédé d’une réputation plutôt flatteuse : Hippie Diktat. Ne vous fiez surtout pas à ce nom, parce qu’Hippie Diktat n’est pas du genre à jouer une musique compatible avec les cours de sophrologie de votre maman ou les omelettes aux champignons hallucinogènes que votre papa se plait à cuisiner à chaque automne. Pas plus que l’oiseau ornant la pochette de ce disque ne donnera une indication fiable quant au réel contenu de Black Peplum, nouvel album de Hippie Diktat. Car comme l’affirmait ce cher Guillaume (Apollinaire), il n’existe peut-être pas d’animal plus ridicule et plus décevant que le paon : « En faisant la roue, cet oiseau / Dont le pennage traîne à terre / Apparaît encore plus beau / Mais se découvre le derrière. » Bon, rassurez-vous : je vais tout de suite arrêter de faire le malin et je ne vais pas vous causer poésie tout du long, parce que ce groupe mérite bien mieux que d’être comparé à un volatile orgueilleux.

Hippie Diktat est donc un trio. Un trio avec un saxophoniste qui pratique le baryton trapu, un guitariste sculpteur de saturation et un batteur opiniâtre. Et Hippie Diktat joue fort. Hippie Diktat joue gras. Hippie Diktat joue épais. Hippie Diktat est expert dans l’art de transmuter le jazz cher aux hippies et aux intellos de gauche pour le recomposer en quelque chose qui ne ressemble pas à une grosse merde progressive ou à une suite d’épanchements virtuoses. Et s’il y a du jazz ici, il n’est pas réellement free non plus, servant avant tout de référentiel mélodique voire lyrique – les complaintes du saxophone sur Full HD me donnent sans cesse la chair de poule – pour mieux préparer le déluge de feu qui pointe juste derrière et va bientôt nous exploser à la gueule. Plus organique et plus adipeux (qui a dit metal ?) que leurs collègues de Kouma, les trois garçons de Hippie Diktat partagent cependant avec les lyonnais ce volontarisme décomplexé et visionnaire qui, à nouveau, démontre infailliblement que l’on peut être un musicien qui a été à l’école et aimer quand même et malgré tout faire du bruit signifiant, tout ça sans passer pour un poseur ou un prétentieux (que les baba-zoukeurs fans de happy-math-noise lèvent la main et quittent la salle immédiatement).

Deuxième album de Hippie Diktat, Black Peplum est ainsi largement plus à la hauteur de ce concert d’il y a un an, reléguant au rang de souvenir un premier disque autoproduit méritant mais encore trop imprégné du jazz à papa, certes plein de bonnes idées mais à la personnalité pas encore suffisamment affirmée. Là on sent bien que le groupe est sur la bonne voie, qu’il a trouvé quelque chose et qu’avec Black Peplum il est habité par une énorme envie d’en découdre et de nous surprendre. Me vient immédiatement à l’esprit cet autre extrait (mon préféré à dire vrai) du Bestiaire de Guillaume Apollinaire et qui à mon sens colle bien mieux à la vindicte rageuse, intransigeante, électrique et parfois inquiétante de Hippie Diktat, cela s’appelle Le Poulpe : « Jetant son encre vers les cieux / Suçant le sang de ce qu’il aime / Et le trouvant délicieux / Ce monstre inhumain, c’est moi-même. » Merde, j’ai encore trouvé le moyen de parler poésie, quel sale intello je fais.

Hazam (10/09/2014)

hippie diktat @ heavy mental

Par contre ça va nettement moins rigoler avec HIPPIE DIKTAT (oui, c’est soirée spéciale noms de groupes à la con). Un trio dans lequel on retrouve le guitariste Richard Comte, auteur d’un album solo dont on reparlera très bientôt et déjà vu en concert avec Heretic Chaos, duo qu’il formait avec Yann Joussein de DDJ, SnAP, etc… Est-ce-que tout le monde arrive à suivre ? Non ? Bon, Hippie Diktat est, après SnAP découvert le jour d’avant, un autre groupe du collectif Coax, coopérative musicale décidemment en pleine ébullition. Au côté du guitariste jouent également un saxophoniste baryton (Antoine Viard) et un batteur (Julien Chamla).

Quoi ? Vous vous en foutez un peu beaucoup des noms de ces trois musiciens ? Et bien vous avez tord. Parce que personnellement je vais faire un effort tout de suite là et maintenant pour dénicher et écouter tout les groupes et projets auxquels ces trois types participent par ailleurs. Je vais peut-être être déçu mais j’ai confiance. Tout ça parce que Hippie Diktat a été une claque énorme en concert. Un mélange de noise-rock et de freeture d’une puissance incroyable et surtout d’une ampleur volumétrique qui vous écrase à chaque instant. Lorsque le groupe ralentit la cadence le phénomène d’écrasement est encore plus palpable, oui on n’est pas loin d’un jazz metal en version sale et grésillante et dans ces moments là je perds un peu le contrôle de moi-même. OK, je ne suis pas le seul et Hippie Diktat – le meilleur groupe avec lequel Cheverny a joué durant sa tournée triomphale du printemps 2013, me dira-t-on un peu plus tard dans la soirée – électrise le public entassé au Périscope. Révélation.

hippie diktat @ indie rock mag

Un bling, un groink et un tchak, il n’en faut pas plus à Hippie Diktat pour dessiner un agrégat jazz/metal/noise certes furieux mais d’une grande finesse. Après le chouette éponyme autoproduit de 2012, place à Black Peplum qui, comme son nom l’indique, voit le trio faire les choses en grand.

Ils sont trois mais sont capables de sonner comme quinze. Pourtant, l’ensemble reste paradoxalement très aéré. Réunion du saxophone baryton, touche-à-tout mais néanmoins plombé d’Antoine Viard (PipelineThe A.A’s ou encore Tristanol, liste non exhaustive) acoquiné à la batterie finaude de Julien Chamla (We Are All AmericansHelved RümFélineMOBILEINSEL MUSIK entre autres, sans oublier ses travaux solo), sous l’égide de la guitare enragée de Richard Comte (Heretic Chaos, un nombre impressionnant de collaborations mais aussi responsable d’un album solitaire, Innermap dont je ne saurais trop vous conseiller l’écoute), Hippie Diktat fait naître un sacré bordel à la sortie des enceintes. Le trio atomique dynamite son jazz déjà bien disloqué à grands coups de noise furibarde et balance des pincées de metal par-dessus pour rigidifier le tout. Et justement, force est de constater que le tout tient fièrement debout, bien campé sur ses fondations quoi qu’il arrive. « Hippie Diktat’s music is radical, raw and powerful » avance le trio, on ne saurait mieux dire. Nouvelle sortie du prolifique BeCoq après l’excellent Kindergarten de Louis Minus XVI, on tient là un disque qui est du même bois. Le même niveau d’excellence, la même expertise, les mêmes intentions sans doute aussi, que l’on pourrait parfaitement résumer par la laconique formule des Dead Neanderthals : « FUCK conventions and FUCK expectations ». En effet, la belle corolle de paon verte et bleue qui orne la pochette ne laisse en rien présager ce qu’elle cache. Un truc nucléaire qui balance de belles rasades retorses alternant avec des moments plus apaisés, très lents et rampants. Ils permettent au cortex de recouvrer son souffle quand le groupe empoigne l’auditeur partout ailleurs sans chichis en apposant simplement ses doigts autour de son cou. En relâchant ainsi son étreinte de temps en temps, la sidération ne s’effrite pas. Pourtant Black Peplum n’est pas foncièrement long mais s’il fallait recevoir ses déflagrations tout de go et sans pause, son intensité s’en trouverait forcément ternie. Et puis, loin d’être un groupe bas du front et sans nuances, Hippie Diktat préfère de toute façon privilégier l’exploration, le contre-pied et la rupture plutôt que se contenter de n’être que monochrome. Sans doute est-ce là aussi le sens de sa pochette multicolore à bien y regarder.

Cinq titres où la sauvagerie le dispute au silence, où le trio montre qu’il peut faire très mal mais aussi rentrer à l’intérieur de lui-même et se taire simplement. Quoi qu’il en soit, cette demi-heure passe bien trop vite et à peine les onze minutes et quelques du très impressionnant et bien nommé Angoisse viennent-elles d’agoniser que l’on sent poindre l’envie d’en entendre beaucoup plus. On se rabat donc sur le disque et on repart bien vite dans les circonvolutions plombées et urgentes de Black Peplum qui montre la batterie se reconfigurer sans cesse au gré des attaques de la guitare contre les lignes massives du saxophone. On a connu plus pacifique comme entame mais aussi moins saisissant. Et qu’Hippie Diktat balance ses tripes sans attendre dès le premier titre fait naître une furieuse envie d’explorer la suite. Ça tombe bien, E. Peacock voit le groupe tutoyer Noxagt ou Monno en densité sous l’effet d’une guitare proprement tellurique qui élabore un mur du son robuste que les coups de boutoir du baryton ont bien du mal à lézarder. Le climax est légèrement rompu sur un Deaf Can Dance durant lequel la guitare se tait pour laisser le saxophone et la batterie dialoguer tranquilles quelques instants. Sans doute le titre le plus rampant de Black Peplum. Le plus « jazz » aussi. Il reste cependant tout aussi accaparant que les autres. Full HD poursuit cette voie et montre à quel point le trio se fout des étiquettes. Quelques breaks typiquement metal l’ornementent (et cette fois-ci, c’est à Zu que l’on pense) que l’on retrouve très vite sur Angoisse. Le sommet. Disloqué, haché menu, doté d’une lourdeur extrême mais également très aéré, Hippie Diktat montre ici l’éventail de ses armes et se livre sans retenue. Les tympans en prennent plein la gueule mais pas que, le silence gagne du terrain peu à peu et finit par l’emporter. Un truc que l’on rêve de croiser en live pour voir comment le groupe restituera sa structure complexe et proprement métamorphe. Toutefois, on voit bien à quel point le trio s’accommode du studio, l’enregistrement de Richard Comte himself, tout à la fois naturel et détaillé, donne tout son poids à une mixture qui n’en manque déjà pas et lui permet d’habiter pleinement l’espace.

« Sale est son poil, généreux toujours... le hippie rit/Volontés atrophiées, vivre l’urgence... le hippie peste/Énergie décadente, masse sonore sauvage... le hippie chie/AMOUR » peut-on lire ici ou  et bien que Black Peplum mette en avant le côté hirsute de la formation, elle fait preuve par ailleurs d’une telle générosité, d’une telle débauche proprement offerte que même rigide et furibarde, elle n’en reste pas moins, c’est vrai, foncièrement hippie (enfin, en tout cas la version Flower Power qui ne s’était pas encore vendue au Grand Capital). Quoi qu’il en soit, voilà encore une sacrée perle à porter au crédit de Coax, de BeCoq et en règle générale d’une scène jazz/noise/metal/expérimentale locale et souvent triangulaire en pleine expansion (Louis Minus XVIKouma et tant d’autres). De la fureur, du bruit, de la tension et de l’apaisement, au final beaucoup de liberté et de souffle contenus dans des morceaux dynamiques qui empruntent ici et là pour construire un ailleurs saisissant.

Brillant.